Rencontre au lac du Grand Laus.

Plus d’une semaine est passée depuis notre arrivée dans les Hautes-Alpes.

Nous alternons les journées de randonnée avec d’autres plus reposantes, étendus sur notre matelas gonflable et bercés par les eaux douces du lac de Serre-Ponçon. Nos jambes commencent à fatiguer d’avoir à supporter nos sacs plein à craquer de bouteilles, salades, Dinosaurus et nectarines locales indispensables à nos journées.

Mais nos yeux ont encore soif de découvertes, de paysages à couper le souffle. Notre imaginaire reste avide de ces moments de solitude, perchés sur les cols, dont nos âmes aiment tant se nourrir.

Alors ce matin nous enfilons nos chaussures, embarquons victuailles, reflex, go pro et polaroid, et prenons place dans notre petite citadine pour de nouvelles aventures : direction Abriès et le lac du Grand Laus.

Nous profitons de la vue sur le Mont Viso (3 841 mètres), point culminant des Alpes du Sud. Ce petit malin ne se montrera que lors de notre arrivée et de notre départ, préférant se cacher derrière les nuages lorsque nous serons face au lac.

On avale les quelques 1000 mètres de dénivelé qui nous sépare du lac où nous serons accueillis par deux vautours fauves (griffons). Un monsieur aux jumelles, visiblement spécialiste, nous expliquent qu’ils peuvent mesurer jusqu’à 2m80 d’envergure et que nous ne trouverons pas plus grand rapace dans les Alpes. Subjugués par leur vol, nous regrettons de ne pas avoir de jumelles et en oublions de sortir notre 300mm.

On prend un peu de hauteur et hop un petit pola pour la route, le dernier malheureusement (la cartouche s’est bloquée. Oui le pola c’est facile en théorie ! 😉 ).

On redescend au bord du lac et on admire un magnifique patou faire sa ronde. Le cheptel étant en train de descendre du col, il entraine sur son passage de nombreux éboulis.

On observe une dernière fois le lac et on imagine sa beauté décuplée par la présence, les jours de beau temps, du Mont-Viso en arrière plan.

Au centre, le Mont Viso. A droite en blanc/gris, le Pain de sucre (RDV l’année prochaine toi !).

La chaleur particulièrement intense de cette journée diminue progressivement. Nous décidons de laisser le lac derrière nous et rejoignons le chemin du retour. Une dame à l’accent chantant nous interpelle alors :

Dites-moi les amoureux, est-ce que vous pourriez me prendre en photo pour que je montre à mes copines que je suis bien venue jusqu’ici, parce qu’elles veulent jamais me croire ?

Très amusés de la situation, on accepte volontiers. Elle nous prend en photo en retour, immortalisant sans le savoir le souvenir que l’on gardera d’elle.

Cette dame menue se montrera aussi expressive que son visage sillonné par tant de rires, et peut-être autant de larmes. Elle nous apprendra qu’elle a 72 ans et qu’elle loge plus bas avec des amis. Elle arpente en solitaire les sentiers de montagne et se remémore ce qu’autrefois elle faisait avec son mari, désormais trop fatigué pour l’accompagner. Elle nous racontera cela sans tristesse apparente, insistant davantage avec humour sur le fait qu’après autant d’années de vie commune, les amoureux inséparables que nous sommes trouverons sans doute, à leur image, diverses sources de satisfaction à être séparés quelques semaines l’un de l’autre.

Durant ces quelques heures passées avec elle nous partagerons des bribes de notre vie, sans réserve ni modestie, la parole échappant aux filtres habituels grâce à l’assurance que nous ne nous reverrons jamais. Nous échangerons quelques anecdotes cocasses, partagerons notre amour pour la montagne, débattrons des plus beaux paysages de France, et surtout nous rirons beaucoup. Notre esprit gambadera aux tréfonds de notre mémoire, se laissant parfois adsorber par le fil d’un souvenir. Nous construirons un mythe autour de la vie de l’autre, conférant une personnalité vertueuse à cette inconnue alors qu’il nous est parfois impossible d’avoir un regard bienveillant à l’égard de ceux que nous côtoyons chaque jour.

Le chemin terreux laissera progressivement place à la dureté de la route goudronnée et les rires bruyants s’effaceront au profit d’un silence serein. Avant que nos chemins se séparent sur l’Avenue des Eaux Douces, elle affichera un dernier sourire amical et conclura sur ce qui aura été le principal thème de cette rencontre : l’amour. De la nature, de la simplicité, de l’autre, et en filigrane l’amour de soi.

« N’oubliez pas que le plus important c’est l’amour, continuez de vous aimer comme vous le faites aujourd’hui. »